Éditorial du rapport 2021 de l'Ae
Le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité sont à l’œuvre. Certaines pollutions affectent fortement la santé humaine. Alors que ces évolutions menacent l’avenir de l’humanité, « nous regardons ailleurs ».
Fidèle à sa mission, l’Ae ne détourne pas son regard. Elle analyse de nombreux dossiers de plans ou programmes censés engager une vraie transition écologique et des projets qui devraient y contribuer. Elle constate, dans ces dossiers, un écart préoccupant entre les objectifs fixés à moyen et long terme, les ambitions affichées pour les atteindre et les actes censés les traduire. Si la qualité du contenu de nombre d’entre eux s’améliore, significativement pour certains, en particulier grâce à des concertations approfondies en amont, les trajectoires n’amorcent que rarement les virages, voire les remises en cause nécessaires.
Si on ne l’anticipe pas, les limites planétaires et les effets de leur dépassement s’imposeront de façon implacable. Les plans, programmes et projets analysés cette année devraient dessiner un projet collectif qui nous y prépare. Alors que la crise sanitaire a révélé et aurait pu conduire à revoir des modèles à bout de souffle, les mêmes programmes, les mêmes financements, les mêmes projets qui auront, pour la plupart d’entre eux, des conséquences irréversibles sur une ou plusieurs dizaines d’années sont invariablement présentés. Conservatismes ou intérêts économiques, les freins conduisant à l’immobilisme sont nombreux. Certaines décisions sont même des régressions.
L’Ae est un collège d’experts de divers horizons, ayant une expérience dans de nombreux domaines (environnement, aménagement, développement économique). Ils apportent leur éclairage dans le respect des processus démocratiques.
Au cours de cette année intense du fait d’un nombre record de dossiers, majeurs pour certains, nous avons contribué à étayer nos analyses et à formuler des recommandations pour nous efforcer, avec des moyens réduits et en dépit de délais écourtés, de faire évoluer les cultures et les pratiques. De plus en plus nombreux sont ceux qui, les yeux grands ouverts vers l’avenir, s’en sont fait l’écho.
Dans ce contexte, les modifications du droit français de l’environnement, au prétexte de « simplifier » les processus administratifs, ont multiplié les cas dérogatoires au droit commun, augmenté la complexité pour les services instructeurs et réduit la lisibilité des procédures pour les pétitionnaires. Elles conduisent à appauvrir l’analyse environnementale, l’information et la participation du public et paradoxalement à accroître les risques procéduraux.
Face aux défis posés par la crise écologique, il y a urgence à préparer une société plus résiliente : il est urgent de regarder l’avenir en face et d’accélérer la transition écologique.
Les membres de l'Ae
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Article de commentaire, Localtis du 20/04
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Éditorial de la synthèse annuelle 2021 de la conférence des autorités environnementales
La conférence des autorités environnementales rend compte dans cette synthèse de l’activité en 2021 des différentes entités qui la composent. Cet exercice annuel donne à ces dernières l’opportunité de traiter, en plus du bilan de leur production, une sélection de sujets qu’elles jugent sensibles et importants à la lumière des dossiers qu’elles examinent, de revenir sur leurs principaux constats et d’expliciter leurs attentes vis-à-vis des porteurs de projets et des acteurs de la planification. Ont été retenus cette année: la vulnérabilité au changement climatique, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les projets de carrières, ainsi que les projets de centrales photovoltaïques et le développement de l’«agrivoltaïsme». (L’agrivoltaïsme associe une production d'électricité photovoltaïque et une production agricole sur une même surface)
En 2021, les saisines des autorités environnementales pour avis ou décision ont significativement augmenté après l’importante baisse de 2020, sans retrouver toutefois les niveaux constatés en 2018 et 2019. La production a progressé, permettant notammentune nette diminution des absences d’avis pour la deuxième année consécutive.
Ces résultats ont été acquis grâce à la forte mobilisation des équipes au sein des autorités environnementales et des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), à la capacité d’adaptation dont elles ont fait preuve et à leur recherche constante d’efficacité. Les maintenir dans la durée pourrait toutefois s’avérer difficile suivant le volume des flux de demandes, compte tenu des incertitudes sur l’évolution des moyens au niveau régional.
Les autorités environnementales recueillent aujourd’hui de nombreux signes d’intérêt sur leur action en faveur de l’environnement. Elles ont gagné confiance et crédibilité en rendant des avis qui explicitent et soulignent les difficultés et les faiblesses des dossiers, mais aussi leurs points positifs ; la présence des membres associés au sein de leurs collèges est la clé de voute de cette crédibilité. Elles facilitent l’émergence de projets qui préservent mieux l’environnement et la santé humaine ; leurs avispermettent au public de comprendre les enjeux des dossiers mis à l’enquête publique et de participer à l’élaboration de la décision autorisant le projet.
Les autorités environnementales observent cependant avec une vive inquiétude la complexification du cadre réglementaire dans lequel elles interviennent (Voir par exemple, les différents acteurs ou autorités impliqués dans le processus des avis d’autorité environnementale et l’articulation de leurs champs d’interventions respectifs, comme l’illustre pour les examens au cas par cas, la mise en place de plusieurs procédures spécifiques sur les projets ou sur les documents d’urbanisme) : la lisibilité du dispositif se dégrade pour les porteurs de projets ou de plans et programmes comme pour les services chargés de sa mise en œuvre.
Elles alertent donc une nouvelle fois sur l’insécurité juridique qui résulte de cette complexité toujours plus grande, en décalage avec la volonté politique d’accompagner l’implantation d’activités sur le territoire.
Enfin, l’évaluation environnementale resteencore trop souvent perçue comme une contrainte, en perdant de vue ce que la démarche peut apporter pour l’environnement, la qualité et l’acceptabilité des projets.
Les autorités environnementales appellent donc de leurs vœux une approche renouvelée qui permette de renouer avec le sens de l’évaluation environnementale tel que définie dans les directives européennes : une démarche continue, itérative et transversale, qui vise à améliorer la conception des projets, plans et programmes en intégrant la prise en compte des enjeux environnementaux et de santé humaine dès les phases amont de réflexions et en favorisant la participation du public aux décisions.
Jean-Martin Delorme, Président de la conférence des autorités environnementales
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